Préambule : cet article parle d’entreprises qui n’existent pas bien entendu ! Toute ressemblance …

Cela fait presque parti de notre culture commune. On en rigole dans les couloirs ou lors des afterworks, tout le monde a appris à « jouer » avec les processus budgétaires.

Comment savoir le budget dont vous aurez besoin l’année prochaine ? Les facteurs influents sont tellement nombreux ! Les managers doivent être soit des devins, soit des écureuils… Comme les devins n’existent pas… nos bureaux (ou plutôt nos fichiers Excel) sont remplis de « tirelires ». Nous avons souvent le choix entre 2 alternatives : jouer la transparence ou tenter d’en mettre un peu de côté « au cas où ».

Pourquoi nous trouvons-nous si souvent dans une situation où nous choisissons de jouer au poker menteur tout en sachant que ce n’est pas la meilleure solution pour notre organisation ?

Pour comprendre ce besoin de « poker », imaginons ce qui se passe pour le manager qui a visé trop juste ou qui fait face à un aléa majeur. Il doit demander une rallonge pour assurer le service qu’il doit rendre à ses collègues.

C’est très souvent un chemin de croix : faire une demande (refusée dans un premier temps), argumenter, demander un arbitrage, justifier, expliquer, s’excuser, promettre de faire mieux la prochaine fois… Avec la certitude qu’une image rémanente va flotter au-dessus de son nom… « celui-là ne gère pas bien son budget ».

SI ce manager apprend de ses « erreurs », il saura que pour le prochain budget, il devra mieux prévoir les aléas et se doter d’un « buffer » budget (une réserve ou encore une marge). C’est aujourd’hui une pratique bien établie et les directions financières, pas dupes, ont pour fonction de contrôler, challenger, remettre en question, faire des règles de 3. Ce petit « jeu » du gendarme et du voleur ne créé aucune valeur et coûte très cher. Expliquons pourquoi cela coûte cher…

Tous les fournisseurs vous le diront et les cabinets de conseil en premier, la fin d’année est souvent une période bénie pendant laquelle des managers appellent disant qu’ils ont du budget et qu’il faut lancer une mission avant de le perdre … (Vous vous souvenez sûrement de ces militaires qui étaient accusés de faire tourner des camions pour rien, juste pour consommer le gasoil, afin de ne pas voir la dotation de l’année suivante diminuer …). Les « buffers » utiles auront permis aux managers prévoyants de passer l’année et les buffers inutiles, dont on n’avait pas besoin, seront souvent consommés sur des questions mineures et non prioritaires, parfois, simplement rendus en fin d’année.

Nous sommes dans le même mécanisme que sur les plannings projets. Si je dois donner un délai pour réaliser une tâche un peu complexe, je vais naturellement prendre un peu de marge. Cette marge sera bien plus importante si la culture de l’entreprise demande de respecter strictement ses engagements. Je me souviens de mes premières années de bureau d’étude où les chefs de projet nous demandaient de « signer avec notre sang ». Moi, quand je signe avec mon sang, je prends (beaucoup) de marge !

Je me souviens que dans une de mes missions précédentes, nous étions pris en tenaille entre ces 2 injonctions :

  • Il ne faut pas demander de rallonge en cours d’année,
  • Il faut absolument consommer son budget (sinon nous aurions « bloqué des ressources qui auraient pu être utilisées ailleurs »).

Deux injonctions mettant une pression inutile et provoquant des comportements aberrants !

Nous voilà donc avec un budget un peu bancal, nous savons tous qu’il y a de la marge (la preuve, on va nous demander d’en rendre en cours d’année en cas de difficultés business) mais nous ne savons pas où et combien.

Quelques pistes de réflexion à approfondir :

  • Réfléchir à la notion de budget engagé (toutes les dépenses en grandes parties fixes qui sont déjà engagées),
  • Ajouter la notion de ressources déjà décidées mais pas encore engagées (par exemple une embauche dans 3 mois),
  • Compléter avec des projets à lancer (identifiés ou pas encore).

Vous avez ici 2 niveaux de marges (buffer). Les projets à lancer (on peut toujours les arrêter, on peut même arrêter un projet dans les premières étapes) et les ressources qui ne sont pas encore engagées.

En cas de retournement de tendance cela permet de connaître votre niveau minimum de dépenses. Vous ne pourrez pas faire moins sauf décision majeure de réduction des dépenses structurelles.

La somme des projets à lancer ne doit pas faire partie de votre « budget » par direction /Service. Tous ces budgets devraient être additionnés et remontés à la direction générale. C’est votre buffer collectif.  Ce buffer va vous permettre de répondre aux aléas, à arbitrer entre les projets les plus importants pour l’avenir de l’entreprise et la protéger en cas de coup dur. Une nouvelle gouvernance doit donc se mettre en place. Positive et non culpabilisante, cette gouvernance va rendre à la direction générale sa capacité à agir rapidement et efficacement.

Ce changement ne peut être possible qu’avec trois conditions très importantes : la confiance, la transparence et l’exemplarité.

  • La confiance : on doit faire confiance à la direction générale, la DG doit faire confiance à ses managers,
  • La transparence : on ne « cache » plus ses buffers budget et la direction ne surjoue pas « on n’a plus d’argent ». Le buffer collectif est identifié, partagé et collectivement piloté par le COMEX,
  • L’exemplarité : on ne critique pas un manager qui a besoin d’une rallonge budgétaire en cas d’aléa. Il a joué le jeu, la loi de Murphy existe (si si !). Avec ce fonctionnement-là, il est normal de demander des rallonges budgétaires régulièrement.

Vous pensez peut-être que je suis un idéaliste ? Ces notions ont fait la révolution dans le monde du projet avec la CCPM. Pourquoi ne pas les utiliser pour vos approches budgétaires ?

On en parle ?