Le nœud gordien (*) de la maintenance

La maintenance est un métier difficile. Difficile en effet d’être reconnue, car elle est souvent perçue comme un centre de coût ne contribuant pas directement à la valeur ajoutée d’un système (« cut the overhead costs » est le slogan favori de certains cabinets de conseil). Par ailleurs, les interventions programmées mobilisent la production et empêche en général le système de créer de la valeur. Enfin, quand soudain l’outil de production devient défectueux, que n’entendons-nous pas sur l’incapacité de la maintenance à réagir vite, et sur l’impact désastreux que cela engendre sur les indicateurs.

Que faut-il faire pour avoir une maintenance réellement optimale ?

En premier lieu, il faut évidemment mettre en place un travail préventif adapté. Tout le monde s’accorde sur les bienfaits du préventif, évitant des grosses pannes immobilisantes aux conséquences financières importantes. Est-ce suffisant pour être satisfait ? Bien entendu, vient immédiatement après la problématique des coûts et moyens mis en œuvre pour assurer ce préventif …

Maîtriser les coûts de maintenance est évidemment vertueux. Cependant, même quand il s’agit d’entretien préventif, la recherche des coûts minimum risque de mettre à mal une intervention. En effet, pour intervenir, plusieurs conditions doivent être remplies simultanément :

  • l’outil de production doit être arrêté en général
  • les moyens d’intervention doivent être disponibles
  • les pièces adéquates apportées
  • … et les ressources compétentes présentes

Parmi les missions qu’effectue Optim Ressources, plusieurs ont trait à la maintenance, et nous sommes systématiquement confrontés à des systèmes dans lesquels chacun va essayer d’optimiser son domaine : arrêter le moins possible l’exploitation, mobiliser le moins possible les équipements de maintenance, minimiser les stocks de pièces, payer le moins possible d’heures internes d’intervention ou de prestataires, voire économiser sur les redondances d’équipements, de compétences, …

Malheureusement, l’absence d’une seule de ces ressources indispensables va bien empêcher l’intervention. La TOC nous enseigne que dans un système où chaque ressource est optimisée au juste nécessaire, le système ne peut atteindre son but (cf le célèbre jeu des allumettes). La raison ? Le célèbre Murphy qui nous prévoit que si quelque chose peut mal se passer … cela va arriver !

Par exemple, dans une mission pour améliorer l’efficacité d’un centre de maintenance de la SNCF, nous constatons que la disponibilité conjointe des rames, des voies de maintenance, des pièces de rechange et des compétences clefs est difficile à obtenir. Et pourtant toutes les parties font de leur mieux pour améliorer le système : certains poussent pour intervenir en journée quand le coût horaire et social est moindre, d’autres vont chercher à espacer au maximum les visites d’intervention, d’autres vont proposer de ne travailler que le weekend lorsque les rames sont peu utilisées…

Alors comment trancher ce nœud Gordien ? 

La première clef de lecture de la TOC commence par un paradoxe : accepter de perdre de l’efficacité sur certaines ressources … pour en privilégier d’autres ! A nous de définir la contrainte la plus noble. Et quand il s’agit d’équipements industriels lourds, c’est en général ceux-ci qui doivent être privilégiés : les rames par exemple pour la maintenance SNCF, le four ou le broyeur pour une cimenterie d’un de nos clients (Vicat), le groupe hydraulique pour une centrale hydroélectrique (CNR) …

En second lieu, s’il faut bien entendu encore optimiser les autres ressources, il faut accepter de ne pas rechercher le minimum possible qui viendrait perturber l’utilisation de la contrainte majeure. « Optimiser oui, … mais pas au détriment de la contrainte ! ». Ainsi, ne pas former plus de monde que nécessaire à une opération sensible est une aberration, tout comme économiser des frais de préparation de chantier en amont d’une intervention sur la cimenterie, ou ne pas avoir les ressources clefs disponibles pour une intervention sur un groupe hydraulique …

L’approche par la TOC nous permet de bien cerner des problématiques d’optimum globaux pénalisés par une recherche trop poussée d’optimum locaux.

Savoir désoptimiser pour améliorer sa maintenance … et l’efficacité du système global !

 

(*) L’expression nœud gordien désigne, métaphoriquement, un problème qui ne présente pas de solution apparente, finalement résolu par une action radicale. Par extension, la solution apportée à ce problème est radicale, ce qui a forgé l’expression « trancher le nœud gordien ». Cette expression trouve son origine dans la légende d’Alexandre le Grand