Pour ceux qui suivent notre blog 😉 , ce nouvel article est à relier à celui-ci qui interrogeait le modèle des low costs de l’aviation et qui tentait de démontrer la pertinence de leur modèle économique.

Après quelques années EasyJet refait parler d’elle dans cet article par exemple.

Après avoir cliqué sur ce titre alarmant : « EasyJet retire des sièges de ses avions face aux pénuries de personnel », je suis vite rassuré. Ouf, il ne s’agit que de 6 sièges, et seulement sur un type d’avion, les A319.

La raison donnée dans l’article : la règlementation britannique qui oblige à avoir 1 PNC (personnel navigant en cabine) pour 50 passagers. en se limitant à 150 au lieu de 156, la compagnie gagne 1 personne. En cette période de difficulté de recrutement, cela évite à la compagnie d’annuler au dernier moment un vol plein par manque de personnel !

Cela me donne l’occasion de réviser quelques notions de comptabilité selon la Théorie des Contraintes ou « Throughput accounting ».

Pour les habitués, le « Throughput » est la mesure de création de richesse essentiel. Il mesure un flux (un débit) de création de valeur grâce à la formule suivante : Th = CA – Frais 100 % variables par unité de temps ou par avion par exemple !

La valeur créée ne doit pas être mesurée en tenant compte des frais fixes ou partiellement variables de toute l’entreprise (c’est une erreur très courante malheureusement) car ces frais faussent complètement le raisonnement.

C’était la démonstration du modèle low cost dans le premier article. Les frais variables sont quasi nuls dans les transports aérien (le plateau-repas quand il y en a !). Il est donc tout à fait essentiel de remplir les avions, même à des tarifs faibles, car on ne perdra JAMAIS d’argent en vendant une place qui serait restée vide.

Dans le cas qui nous intéresse ici, c’est l’inverse ! Voilà qu’EasyJet vide ses avions (enfin 6 places, n’exagérons pas !). Nous pourrions alors penser que c’est une erreur (il faut bien qu’ils en fassent 😊).

Sauf que nous parlons ici de charges fixes qui deviennent variables (puisqu’on peut les supprimer). Du coup, faisons le calcul avec des chiffres inventés, mais probablement proches de la réalité.

  • Un vol London-Glasgow : 40 € (consulté le 18 mai pour le 31 mai)
  • Un personnel navigant va faire 2 A/R dans la journée
  • Coût d’une journée de travail (incluant primes, formation, …) : 600 €
  • Coût d’un personnel sur le vol : 150 €
  • 6 passagers en moins : 240 €
  • Manque à gagner pour EasyJet : 240 – 150 = 90 €

Ce qui est annoncé comme une catastrophe économique pour EasyJet et valoir un article dans plusieurs journaux, est en fait un tout petit sacrifice ramené au chiffre d’affaire du vol qu’on peut estimer à 150*40=6000 €. Soit une diminution de 1,5 %.

Comparé au risque d’annuler un vol au dernier moment et perdre l’intégralité du CA, sans parler de l’insatisfaction client, … C’est encore une fois probablement la bonne solution.

Quelles conclusions en tirer ?

  • Il faut toujours bien réfléchir avec les bonnes méthodes d’évaluation et de chiffrage avant de prendre une décision.
  • Et si les règles de l’aviation civile sont les mêmes dans plusieurs pays (ce que je ne sais pas 😊), je me demande vraiment pourquoi l’A319 a 156 places et non 150 😊. A mon avis, raccourcir un avion de 2 mètres, … Ça aussi, ça doit éviter pas mal de dépenses (construction et exploitation) !

Si vous voulez, vous aussi, évaluer correctement si tel ou tel produit ou service est « rentable », n’utilisez pas la comptabilité analytique, … mais le Throughput accounting.

A votre disposition pour en parler, surtout si vous n’êtes pas d’accord 😉