Lundi 8h22, sur le quai du RER A à Paris, gare de Lyon.

Je viens d’émerger de 2h de mails intensifs dans le TGV et me voilà pris dans ce Koh-Lanta du quotidien : « Entrer et survivre dans un RER ».

Les gilets jaunes sont bien présents. Ces gilets jaunes font un boulot pas facile. Ils tentent d’empêcher l’accès au train à des voyageurs pressés, qui n’hésitent à s’engouffrer dans le wagon, indépendamment du signal sonore.

 En dehors de l’aspect sécurité, il y a probablement un autre avantage à ce « nouvel emploi ». J’ignore le coût pour la RATP mais … ça doit peser lourd ! Très lourd !

Comment expliquer une telle dépense ? Et surtout est-elle « rentable » ?

 Analysons cette question sous l’angle de la Théorie des contraintes (TOC pour Theory of Constraints).

 Si l’on considère le simple « coût » de l’opération, il y a peu de justifications. Le nombre de personnes qui se blessent à cause des portes ne doit pas être énorme et les « gilets jaunes » empêchent l’accès au train même quand il reste de la place ! Ces gilets jaunes seraient ils alors des créateurs de « Muda », les célèbres gaspillages du Lean ?

 Il y aurait alors double avantage (économique) à les supprimer :

  • Augmentation du remplissage (si, si, en poussant bien, il reste de la place !)
  • Eviter des salaires nombreux (et la gestion inévitable d’une multitude de contrats de travail, formation, ….)

 En fait, il faut se poser la question du « BUT » pour envisager l’intérêt ou pas de ces gilets jaunes.

 Si le BUT de la RATP est d’optimiser le remplissage (ie rendre les trains unitairement plus « rentables », cf le Chiffre d’affaire par rame) alors on fait fausse route en installant des gilets jaunes.

Mais si le but est de transporter le plus de passagers dans les meilleurs délais (optimiser la quantité globale de passagers transportés / temps) alors on doit réfléchir autrement*.

 Quelle est la contrainte du RER pendant les heures de pointe ? Quelle est la contrainte qui limite la performance, c’est-à-dire l’atteinte du « but » ?

Ce n’est pas le remplissage des trains, mais … la fermeture des portes !

 Des portes bloquées par des passagers, c’est 30 secondes de perdues. 30 secondes de perdues plusieurs fois, ce sont des systèmes de sécurité qui se déclenchent et qui arrêtent les trains dans les tunnels. Ces arrêts en chaine provoquent une désorganisation globale, un ralentissement général, des quais qui se remplissent anormalement, des trains qui ne peuvent plus fermer leurs portes … et voilà lancée une boucle pas du tout vertueuse. Et je ne parle pas bien sûr de l’avis des sardines personnes qui se trouvent dans le RER. Un train très rempli mais qui n’avance pas … est très inefficace, même si votre contrôleur de gestion vous a présenté un excellent taux de remplissage !

Voilà pourquoi l’indicateur de performance de la ligne RER, c’est la vitesse moyenne d’exploitation, l’indicateur de performance à suivre, c’est le nombre d’incidents de fermeture des portes (ou le temps d’arrêt total dans la station) et les gilets jaunes sont une bonne dépense pour la RATP !

Voilà un exemple un peu rapide (oui, c’est un teaser, je sais 🙂 d’application de la théorie des contraintes. Cette approche innovante et pertinente vous fera vous poser les bonnes questions : quel est le but ? quelles contraintes ? quels optimums à abandonner ? comment maximiser le flux de valeur ? quels indicateurs suivre ?…

 Optim est un des rares cabinets français à pratiquer la TOC dans ses interventions. On en parle ?